Juridiquement, reste un fait, en apparence, bien ésotérique à observer, que celui de l’absence de définition légale stricte de la monnaie. Le Code monétaire et financier se restreindra à une formule évasive : « La monnaie de la France est l’euro », sans pour autant émettre de suggestions précises quant à une typologie de critères permettant la détermination de sa qualité. Au prisme de cette inconnue juridique, plusieurs questions peuvent alors être émises : quels sont, s’ils existent, les attributs nécessaires à un objet aux fins de l’acquisition de cette qualité ? La monnaie doit-elle être soumise à un formalisme particulier permettant sa transmission ou sa création ? Quelle sont les origines des monnaies modernes ?
En la matière, le droit et l’économie ne sont plus les seules spécialités se saisissant des prérogatives monétaires, et il semble devenir indispensable au juriste d’apprécier avec rigueur les tenants et les aboutissants du déploiement de la technologique dans l’échange des valeurs. Sous cet angle, et dans une approche qui se révèle surprenante à l’égard des canons juridiques, nous soutiendrons que si l’existence matérielle d’un droit peut être confirmée par la grâce d’un régime qui le prévoit, bien souvent, la question de son ancrage réaliste se trouve finalement ignorée et se persiste dans la nécessité d’une démonstration non édulcorée des problématiques de la pratique. À cet effet, et dans une approche complémentaire à celle des économistes, il conviendra alors de se demander si : l’influence réciproque entre le droit et la réalité économique telle qu’elle transparait dans les usages permet d’émettre des conclusions concernant l’acquisition de la qualité monétaire aux devises cryptographiques ?
Tout au long de ce travail de réflexion, nous nous sommes interrogés sur l’accession à la qualité monétaire par les monnaies cryptographiques, au miroir de l’étude complexe de leurs attributs fonctionnel, organique et symbolique, et de l’influence du droit sur les usages. Au terme d’une démarche fondamentalement empiriste, il résulte que la problématique de qualification reste une épreuve complexe, d’une part du fait que les monnaies cryptographiques cristalliseraient les sous-critères fonctionnels essentiels à la qualification monétaire, et d’autre part, feraient l’objet d’un rejet sans équivoque de la part du droit interne, consacrant le critère organique adossé à l’exigence de cours légal en élément d’essentialité dont nous avons nuancé la portée dans une approche comparée. Il ne fait néanmoins plus de doute que la monnaie cryptographique se conforme à une qualité de monnaie contractuelle, douée de caractéristiques propres.
Sous l’angle d’un critère symbolique dont nous nous sommes essayés à une démonstration à l’interface de l’économie et du droit, nous avons, par ailleurs, cherché à consacrer l’idée selon laquelle le pouvoir libératoire attaché à un objet à vocation monétaire pouvait se trouver à émerger des usages, et se faisant, était conditionné au régime juridique en vigueur et aux tentatives de régulation visant ou ayant pour effet une limitation de son développement ou de son adoption. Notre raisonnement s’est alors fondé sur l’étude critique des conséquences associées au cadre légal, particulièrement fiscal, sur la réalisation des usages, étudiant finement ses limites et le confrontant aux innovations encore insoupçonnées par la doctrine, la loi ou la jurisprudence. Il en résulte qu’en l’état actuel du droit positif, la monnaie cryptographique bénéficie d’une qualification à demi-mesure, entrainant d’importantes difficultés d’appréciation.
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